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jeudi 31 mai 2012

Moonrise Kingdom

Ça fait même pas deux heures que j'ai vu Moonrise Kingdom et pourtant je ne rechignerai pas à le remater, là, tout de suite. Pourtant il n'est pas ultra génial, mais il est parsemé d'excellents moments, qui compensent les plus faibles. C'est un peu ça, le dernier Wes Anderson : une mise en scène assez inégale, avec ses tics agaçants mais aussi ses élans de génie, trop modérés malheureusement. On serait en droit de crier à l'arnaque artistique (comme face à un certain cinéaste gothico-pubère dont je tairais le nom et qui vient de sévir à nouveau), à devoir subir cette utilisation systématique du filtre jaunissant pour créer un effet "sixties", cette musique envahissante ou ces scènes d'action misant sur la loufoquerie des effets pour arracher au spectateur un sourire (gêné, pour ma part). Mais ce serait sans compter sur la capacité du film à transformer son sens du burlesque et de la fantaisie en quelque chose de touchant, de beau et de mémorable ; les deux jeunes acteurs principaux sont absolument magnifiés par la caméra et nous servent des scènes d'une poésie et d'une beauté rare. A d'autres moments, c'est une comédie légère et grave à la fois, qui parvient à créer une sorte d'atmosphère difficilement descriptible mais assurément marquante, comme enfantine, mélancolique et surréaliste, un peu à la manière de Mais qui a tué Harry ? du bon Hitchock. Le film ne manque pas de défauts mais ceux-ci se font aisément pardonner, pour moi, tant les qualités et les détails m'ont séduit. J'en suis ressorti content. En plus, Bruce Willis a des cheveux.

Take Shelter

Take Shelter a réussi le pari de jouer la sobriété et la subtilité tout en abordant de plein front le sujet en vogue de la fin du monde. Mais c'est à se demander si Jeff Nichols ne nous parle pas plutôt ici de la fin d'un monde ; celui de son personnage Curtis (sublimement interprété par Michael Shannon) dont les tourments, qu'ils soient légitimes ou paranoïaques, vont mener à un changement inévitable, ou encore la fin d'un système, dont le protagoniste se prend les failles et les contraintes en pleine gueule. Un beau film, fin, dont les scènes s'enchaînent comme une lettre à la poste et réclament pourtant revisionnage, pour cette beauté qui émerge de la simplicité mais non de la facilité ; beauté des plans, beauté des acteurs, des émotions.
Le récit se construit lentement mais ne perd pas en intérêt, malgré une certaine impression de linéarité qui vient probablement du rythme assez pesant de la narration, rythme qui lui confère tout de même une atmosphère impressionnante, de la scène d'ouverture jusqu'à la dernière que l'on peut trouver à son aise allégorique ou littérale. Car contrairement à Von Trier qui en faisait un peu des tonnes par moment, Nichols ne filme pas le désespoir hystérique et n'a pas besoin d'un truc aussi gros et visible qu'une planète pour harceler le spectateur; l'expectative anxieuse d'une tornade dont on ne sait comme Curtis si on doit y croire ou non avant la réponse finale, suffit.
Une petite bourrasque de fraîcheur.